Histoire et origine de la domestication
- Louise Rode
- 14 oct.
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 15 oct.
Depuis des millénaires, chiens, chats et chevaux partagent notre quotidien, et même nos foyers.
Leur présence à nos côtés n’est pas un hasard : elle est le fruit d’une longue domestication, d’une coévolution et d’un lien unique qui s’est tissé avec l’homme.
Dans cet article, On remonte aux origines de ces trois espèces emblématiques pour comprendre comment et pourquoi elles occupent encore aujourd’hui une place si particulière dans nos vies.
La domestication, qu'est ce que c'est?
La domestication animale est un processus évolutif par lequel une espèce sauvage subit, sous l’effet d’une interaction prolongée et d’une sélection exercée par l’être humain, des modifications héréditaires d’ordre morphologique, physiologique et comportemental, dans le but de répondre à ses besoins et de fournir des produits ou des services.
La domestication commence lors de contextes où l’animal peut tirer profit de la proximité humaine (nourriture , abri, protection...) .
On parle généralement de commensalisme (C’est une relation entre deux espèces où l’une tire un bénéfice sans que l’autre ne soit ni aidée ni gênée) ou de mutualisme (relation bénéfique pour les deux espèces : chacune y gagne quelque chose)
En résumé :
Commensalisme = gagnant / neutre
Mutualisme = gagnant / gagnant
Peu à peu, certains animaux plus calmes ou sociables sont apprivoisés, puis sélectionnés selon certaines caractéristiques préférentielles au fil des générations, jusqu’à devenir de véritables espèces domestiques.
La domestication se manifeste également par des traits néoténiques (traits juvéniles) conservés à l’âge adulte, comme une tête arrondie, de grands yeux, des oreilles souples et un comportement joueur. La couleur du pelage, elle, se diversifie souvent chez les animaux domestiqués, par sélection et pour des raisons génétiques.
La domestication du chien
La domestication de l’ancêtre de notre chien actuel aurait commencé il y a environ 15 000 ans en Europe, et 12 500 ans en Asie de l’Est. Ces deux lignées se sont ensuite répandues dans le monde entier, et leurs croisements ont permis l’émergence des chiens tels que nous les connaissons aujourd’hui. Certaines études suggèrent même une domestication il y a 30 000 ans ou plus, sur la base de restes de canidés retrouvés à proximité de sépultures humaines. Cependant, il reste difficile de déterminer s’il s’agissait déjà de chiens domestiqués ou simplement de loups partageant le même territoire.
Les débuts de la cohabitation
Les raisons exactes de la domestication du chien restent incertaines, mais il est probable que les premiers contacts soient nés d’une cohabitation opportuniste : les loups les moins craintifs profitaient des déchets alimentaires humains, plus faciles à obtenir que la chasse. Cette proximité a peu à peu favorisé une relation de tolérance mutuelle, bénéfique pour les deux espèces : l’homme bénéficiait d’un compagnon de chasse et d’une protection face aux prédateurs, tandis que le canidé trouvait nourriture et sécurité près des campements humains.
L’évolution de la sélection
Au début, la sélection s’est faite naturellement : les individus les plus dociles et les moins craintifs étaient avantagés, car ils accédaient plus facilement aux ressources humaines. Par la suite, la sélection est devenue intentionnelle, orientée vers certaines aptitudes : la chasse, la force de traction, la vitesse, la protection ou la conduite de troupeaux. Cette diversité d’objectifs a conduit à la création de races très distinctes, adaptées à des fonctions variées : chasse, gardiennage, défense/attaque, traction, conduite de troupeau ou compagnie
Quelques exemples :
Le Teckel, petit et long, a été spécialement sélectionné pour chasser dans les terriers et débusquer les animaux enfouis.
Le Golden Retriever, façonné pour apprécier l’eau afin de récupérer les proies tirées tombées dans les étangs ou rivières. ( Ce qui explique son attrait particulier pour se jeter dans la moindre flaque d'eau ...)
Les chiens d’aujourd’hui
Aujourd’hui, de nouvelles catégories de chiens sont apparues, comme les chiens de service (chiens guides d’aveugle, de police, d’avalanche, etc.). Les critères esthétiques occupent également une place importante dans la sélection moderne, parfois au détriment des aptitudes fonctionnelles d’origine.
La domestication du chat
Les débuts dans le Croissant fertile
La domestication du chat aurait débuté il y a environ 10 000 ans, dans le Croissant fertile, une région correspondant au Moyen-Orient et au Proche-Orient. Cette domestication est étroitement liée au développement de l’agriculture, et notamment au stockage des céréales, lorsque les populations deviennent sédentaires.
Une relation bénéfique pour l’homme et le chat
Les chats ont tiré un avantage direct de cette situation : les stocks de céréales attiraient de nombreux rongeurs, qui menaçaient les récoltes. En chassant ces animaux, les chats accédaient à une source de nourriture régulière tout en contribuant à la protection des réserves humaines. Cette interaction a établi une relation mutuellement bénéfique : le chat trouvait alimentation et sécurité, tandis que l’homme réduisait les pertes alimentaires. On parle alors de mutualisme.
La diffusion mondiale du chat
Par la suite, le chat a également été utilisé sur les bateaux, où sa présence contribuait à préserver les stocks lors des voyages. Cette pratique a favorisé sa diffusion à travers le monde, accompagnant les humains dans leurs migrations et leurs échanges commerciaux.
(l'ancêtre de notre chat actuel est donc le chat ganté d'Afrique, et non le chat forestier, chat sauvage présent en Europe qui n'est pas domestique.)
La sélection du chat
Contrairement au chien, le chat a été principalement sélectionné pour ses caractéristiques physiques plutôt que pour des aptitudes fonctionnelles spécifiques. Ce n’est que très récemment que certaines caractéristiques comportementales ont commencé à être valorisées, telles que la proximité avec l’homme et la sociabilité.
Aujourd’hui, la sélection du chat combine donc des critères esthétiques et comportementaux, mais son rôle reste avant tout celui d’un compagnon apprécié pour son indépendance et son autonomie.
Quelques exemples de sélection esthétiques et comportementales:
Le sphynx, sélectionné et apprécié pour son absence de poils, ce qui le rend pourtant beaucoup plus sensible au froid et aux affections cutanées, rendant sa vie en milieu naturel impossible .
Le Scottish Fold apprécié et sélectionné pour ses oreilles tombantes, pouvant provoquer de graves problèmes articulaires si les deux parents sont porteurs du gène.
Le Ragdoll, sélectionné par les éleveurs pour son caractère docile et affectueux et maniable (d'où son nom Ragdoll se traduisant par "Poupée de chiffon").
La domestication du cheval
Les origines et les premiers chevaux domestiqués
Le cheval moderne descend de chevaux sauvages des steppes, aujourd’hui disparus.
Sa domestication commence il y a environ 4 200 ans, principalement dans la région correspondant à la Russie et au nord du Caucase.
Il existe également des traces d’une domestication plus ancienne, il y a environ 5 000 ans au Kazakhstan, où les chevaux étaient élevés notamment pour leur viande et leur lait. Cette population, connue sous le nom de cheval du Botai, ne correspond pas à l’ancêtre direct de nos chevaux modernes. Cette domestication n’a donc pas eu d’influence sur les lignées actuelles, mais elle montre que l’homme a commencé très tôt à exploiter les chevaux à différentes fins.
Les raisons de la domestication
La domestication du cheval moderne a été motivée par des besoins variés et essentiels pour les communautés humaines. Les chevaux ont d’abord été utilisés pour :
La viande et le lait, qui constituaient une source alimentaire importante
Le transport, permettant de se déplacer plus rapidement sur de longues distances
L’agriculture, pour tirer des charrues et transporter des charges lourdes
Les activités militaires, où leur vitesse et leur force offraient un avantage stratégique.
Grâce à ces multiples usages, le cheval est rapidement devenu un allié incontournable, jouant un rôle central dans l’économie, la guerre et la mobilité des sociétés anciennes.
La sélection des chevaux
Au début, la sélection portait sur des aptitudes fonctionnelles essentielles :
La force pour la traction et le travail physique ,La docilité afin de faciliter la manipulation par l’homme, la vitesse, utile pour le transport et la guerre , la résistance, notamment face aux conditions climatiques difficiles.
Avec le temps, la sélection a évolué pour inclure des critères esthétiques et liés aux loisirs. La couleur du pelage est devenue un critère de choix, et certaines aptitudes ont été valorisées pour des activités spécifiques comme le saut d’obstacles, le dressage, les courses...
Quelques exemples de sélection:
Le cheval de trait (comtois, percheron, etc...), sélectionné pour sa force de traction, idéal pour l'agriculture et pour tirer des charges lourdes.
Le Pur-Sang Anglais, façonné pour atteindre une morphologie particulière qui favorise la vitesse : l'arrière train est légèrement plus haut que les épaules et permet une une meilleure propulsion et plus de vitesse.
Le cheval aujourd’hui
Aujourd’hui, le cheval moderne comprend des races très diversifiées allant du cheval de trait au cheval de sport en passant par le poney. La sélection combine désormais aptitudes physiques, performances sportives et critères esthétiques, reflétant la diversité des usages contemporains.
Conclusion
La domestication du chien, du chat et du cheval montre à quel point l’histoire de l’homme et celle des animaux sont liées. Chaque espèce a été façonnée par des besoins et des usages différents, et leurs comportements actuels reflètent la chronologie, les objectifs et la nature de leur sélection.
Comprendre cette histoire permet d’expliquer pourquoi certains animaux sont proches de nous : ce n’est pas un lien mystique, mais le résultat d’une co-évolution et d’une sélection façonnée par l’homme. Cela éclaire aussi certains comportements que nous observons aujourd’hui, comme les préférences ou les aptitudes spécifiques qui sont en partie le reflet de ce long processus de domestication.
Pour autant, chaque animal reste un individu à part entière, avec sa personnalité, ses réactions et ses préférences propres.
D’autres espèces ont également été domestiquées au cours de l’histoire : moutons, vaches, cochons et bien d’autres, chacun offrant un éclairage particulier sur la manière dont l’homme a façonné le vivant et sur notre histoire commune avec les animaux.
Bibliographie
CNRS. (2021, 20 octobre). L’origine des chevaux domestiques enfin établie. Communiqué de presse. Nature
Lignereux, Y. (2001). La domestication du cheval : Données de l’archéozoologie. Dans J.-F. Chary (dir.), Encyclopédie du cheval (pp. 1-25). Paris : Aniwa.
Tancrède, D., & Cardinali, I. (2023). Être un chien : un aperçu du processus de domestication. Gènes, 14(5), 992
Vilà, C., Savolainen, P., Maldonado, J. E., Amorim, I. R., Rice, J. E., Honeycutt, R. L., Crandall, K. A., Lundeberg, J., & Wayne, R. K. (1997). Multiple and ancient origins of the domestic dog. Science, 276(5319), 1687-1689

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